vendredi 26 septembre 2008

Intelligence économique : L'enjeu du marché privé de l'information

On parle beaucoup de la compétition qui sévit dans le monde des entreprises et étrangement on parle très peu de ce qu'il est convenu d'appeler le marché mondial de l'information susceptible d'aider ces mêmes entreprises à se développer et à se concurrencer. Ce paradoxe n'a rien de surprenant.

Après 20 ans de sensibilisation, beaucoup de décideurs économiques ont encore bien du mal à saisir l'intérêt d'un usage plus professionnel de l'information.

Premier constat, ils ne s'intéressent pas aux enjeux de puissance dans ce domaine. C'est ainsi que la France a perdu au fil des années le contrôle de ses entreprises dans le renseignement commercial, de ses banques de données dans la veille technologique, de ses cabinets d'audit, de ses brokers d'information privée et bientôt de ses sociétés d'archivage. Les Etats-Unis, la Grande Bretagne, la Chine ou la Russie ont une approche radicalement différente du problème dans la mesure où ce secteur d'activité tertiaire est prise très au sérieux par les milieux dirigeants. Celui qui contrôle la production, le formatage culturel, les canaux de diffusion et la commercialisation de cette information privée à un avantage sur les autres pays compétiteurs en situation de demande. Un pays est d'autant plus puissant qu'il contrôle la production de son information et qu'il en fait un levier pour pénétrer des marchés extérieurs.

Second constat, les entreprises qui remportent des marchés sont celles qui investissent dans l'acquisition d'informations, voire de renseignements. L'approche des pays asiatiques qui reste l'un des échecs majeurs du commerce extérieur français est conditionnée par la maîtrise de la cartographie mise à jour en permanence des centres de décision et des réseaux d'affaire locaux. Depuis la disparition de son empire colonial dans cette partie du monde, la France souffre d'un déficit de présence chronique que sa diplomatie économique n'a pas pu compenser. Contrairement à nous, nos voisins européens allemands, néerlandais, italiens ont su tisser une toile relationnelle entre leurs expatriés, des sociétés de commerce et des systèmes d'appui bancaires centrés sur les capacités de leurs entreprises à exporter dans cette partie du monde. Si on devait comptabiliser le nombre de réseaux opérationnels français susceptibles de faire de gagner des marchés en Asie aux entreprises françaises, le résultat serait sans doute inférieur à dix. C'est peu et alarmant.

Troisième constat. Loin de se dissoudre dans la mondialisation des échanges, le besoin d'informations est en train de s'étendre à d'autres domaines connexes aux marchés. Les entreprises occidentales se doivent aujourd'hui de fournir de plus en plus de données financières à cause des contrecoups de l'affaire Enron, de communiquer de manière plus précise sur les mesures prises en matière de développement durable, d'investissement socialement responsable et de responsabilité sociétale. Ces nouvelles contraintes informationnelles sont le fruit de la pression des la société civile et des Organisations Non Gouvernementales. Or qui occupe le terrain ? Des agences de notation financières et extrafinancières, des entreprise spécialisées dans la sécurité des systèmes d'information, des cabinets de consultants intégrant l'audit, la stratégie, le mangement de l'information, l'influence et la gestion de crise. La France ne cherche pas à prendre une part décisive de ce marché porteur. C'est une erreur mais il est encore temps de réagir.

Il apparaît donc un nouveau marché de l'information stimulé par les technologies de l'information et de la communication. Celui qui sait, non seulement vend mieux mais influence durablement son environnement. Cette vérité anglo-saxonne, asiatique, russe ou brésilienne n'est pas encore inscrite sur les tables de la loi des entreprises d'origine française. Seule une minorité d'entre elles a compris l'importance du sujet. C'est aussi ce déficit là qu'il faut combler. Comment s'y prendre dès lors que les experts économistes hexagonaux n'ont rien ou si peu de choses à dire sur un sujet aussi sensible ? La démarche autour de l'intelligence économique a été une première tentative. Il y en aura d'autres.

La démonstration la plus évidente nous est donnée une fois de plus par les compétiteurs étrangers qui ont compris l'intérêt de l'usage d'une information utile. Un signal faible intéressant nous vient d'Allemagne. Les entreprises moyennes qui détiennent jusqu'à 30% du marché mondial d'une niche commencent à être fragilisées par cette course à l'information qu'elles croyaient cantonnées à une vision purement technique. Ces champions de la petite entreprise triomphante de la mondialisation commencent à subir leurs premiers revers parce qu'elles n'ont pas su voir venir les coups portés par la concurrence d'anciens clients d'économies émergentes. Elles vérifient une fois de plus une vieux principe de la guerre économique qui consiste à imiter puis à dépasser le maître qui vous a tout appris.

Christian Harbulot
Directeur de l'Ecole de Guerre Economique (Groupe ESLSCA)
Directeur du Cabinet Spin Partners

Source: http://www.usinenouvelle.com

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