mercredi 8 octobre 2008

INFORMATION 2.0 : QUAND LA PERTINENCE SE SUBSTITUE A LA POPULARITE ET A L’INFLUENCE.

En feuilletant ce matin les résultats de ma veille personnelle, je suis tombé sur un article hallucinant relatant les déboires d’une compagnie aérienne américaine faisant les frais d’une mauvaise gestion de sa réputation sur le net. Subitement j’ai eu la sensation forte de prendre ma plume et d’essayer de faire une petite analyse sur cet événement.

De quoi s’agit-il exactement ?

La compagnie aérienne United Airlines (UAL) avait fait l’objet d’un contrôle judiciaire en 2002 à la suite de la crise de l’aéronautique post 11 septembre et avait fait publier un communiqué de presse dans les différentes agences américaines dont le Chicago Tribune. Et en 2008 le communiqué est sans aucun doute devenu obsolète et ne devrait jamais refaire surface. Mais c’était sans compter sur le système actuel de fonctionnement d’Internet qui redistribue les pouvoirs et met l’internaute au cœur du processus.

Le 07 septembre dernier, un internaute américain « très couche-tard » visite le site d’information en une heure tardive et déniche le communiqué. Ce qui n’a rien d’étonnant mais vu le temps passé sur cette information et le nombre de pointage en une heure ou tout le monde devrait être au lit (donc peu d’utilisateurs pendant ce temps), il exhume l’information et lui donne un certain intérêt pour Google News. Ce dernier dans sa mise à jour classe le communiqué obsolète au top de son classement. Les agences spécialisées dans le monde de la finance en l’occurrence Bloomberg News reprenne l’info. Les places financières s’en emparent et comme une baguette magique, en une journée UAL perd presque 75% de sa valeur.

Ainsi une information vieille de 6 mois fait vaciller l’une des plus grandes compagnies aérienne au monde. (Voir schéma ci-après)


Où se situent les responsabilités ?

Peut-on, entre le Chicago tribune, Google et l’agence Bloomberg News, désigner un responsable de cette mésaventure ? Analysons la méthode de fonctionnement de ces différents acteurs :

- Le Chicago tribune comme tout bon site d’information publie ses articles quand ils sont actuels et pertinents et les archive quand ils sont obsolètes pour des consultations ultérieures. D’après leurs explications ils se sont rendu compte des mois auparavant du problème et avaient rendu compte à Google de « l’incapacité de son moteur de recherche automatique « Googlebot » de différencier les breaking news et les articles les plus fréquemment vus ». Mais cette mise en garde n’a pas été suivie d’effet car Google continua à faire la même erreur en parcourant le site.

- Google quand à lui se défend en s’appuyant sur la défaillance sur le système de datation des articles chez Chicago tribune plus précisément dans leur site the Sun Sentinel . « Selon Google le problème commence quand le Chicago tribune se serait montré incapable de donner une date standard à ses articles, ainsi le moteur Googlebot ne peut se référer que sur les dates actuelles qui apparaissent sur chaque page du site… »

- L’autre protagoniste de cette mésaventure de UAL, l’agence Bloomberg pourrait être considéré comme ayant la plus grande responsabilité de cette aventure car ayant repris une information qu’il jugeait importante cruciale sans validation. D’ailleurs l’agence financière promet à l'avenir, de recouper ses sources.

Les enseignements

De cette lecture, au-delà même des défaillances techniques ou professionnelles, on comprend que les entreprises plus que jamais doivent changer leur rapport à l’information en intégrant les changements qui sont en train de s’opérer sur Internet et qui affectent même les outils dont nous utilisons au quotidien. Aujourd’hui ce n’est plus seulement la source qui fait la validité de l’information comme cela a été toujours le cas. Les professionnels de l’information et de la documentation jugeaient de la véracité des sources en fonction de leurs auteurs qui faisaient autorités dans des domaines différentes.

Cette situation est fortement mise en cause avec le web 2.0 qui carburent au choix et à la volonté des utilisateurs. Tout le monde est producteur et diffuseur d’informations au même titre que les éditeurs classiques (la presse, les institutions, les éditeurs…) avec une facilité déconcertante permise par les blogs, les wikis et autres sites collaboratifs. Ceci a comme conséquence une circulation très rapide de l’information avec les systèmes de reprises d’articles dans les blogs qui fonctionnent comme une boule de neige. Ainsi plus un article est repris, taggué, plus il fait autorité dans le web actuel. La popularité qui est devenu une sorte de compétition est en train de remplacer la pertinence et l’autorité.

Cette problématique de la validation de l’information est d’autant plus inquiétante que les outils de recherche comme Google etc. sont en train de s’adapter à ce phénomène. L’exemple le plus patent est la technologie de PageRank (PR). « Google utilise le PR afin d'établir l'ordre d'affichage des résultats dans son moteur de recherche. Ceci permet ainsi, en théorie, d'augmenter la pertinence des pages trouvées. En théorie, car celui-ci se base principalement sur le nombre de liens pointant vers une page web. Ces liens servent alors de "votes" afin de promouvoir celle-ci comme pertinente par rapport au thème recherché. »
Alors selon Google « POPULARITE » égale « PERTINENCE ». Avec le système de blogroll qui favorise la reprise des billets en général « sans jugement » des amis ou des blogs aux thématiques similaires, il est temps de s’interroger sur la valeur de cette « POPULARITE ». Comme l’a soutenu
Olivier le Deuff dans un excellent article, avec le web 2.0 « l’autorité conférée institutionnellement ne vient plus de la transcendance mais bel et bien de l’influence voire de la popularité ». Et en matière de popularité et d’influence les blogs sont très puissants et leur puissance dépasse largement les frontières de la blogosphère. Ainsi pour résumé par des simples cliques l’utilisateur souvent oublié dans les débuts d’Internet est en train de prendre sa revanche et de maitriser l’information. On le disait aux avant-postes de l’information avec le blogging – car traitant aujourd’hui ce qui fera les titres des grands quotidiens demain - mais quand il change le comportement des outils de recherche, des moteurs par de simples cliques ou de simples partages de liens comme c’est le cas dans cette affaire rocambolesque entre Google News et le Chicago tribune, on entre là dans une nouvelle ère. Mais à quel prix ?

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